Umgibe

 

Michaël Booremans

Réveiller le rêve est difficile
Je n'ai plus d'aiguille en réserve
Je traîne mon placenta derrière moi
Je n'ai jamais demandé moins

Chaque jour, il faut se resituer sur la map
Certaines violences verbales ou physiques sont légitimes

C'est devenu une question de bravoure
La reconnaissance est extrêmement fine

J'évoque des fémurs et je pense en triangles, aux échos de voix curieuses
Cunt pour toute personne qui prend le passage en route

Écrire sur la mort d'êtres chers doit être à peu près aussi vieux que l'écriture elle-même
L'envie de le faire me titille mais me lie, également, instantanément au présent, à mon estomac

Je me sèche avec une serviette où il y a des taches de sang, des tripes au sommet
Baissez les yeux
Dimension arrière de textos imbibés de bordeaux
Ici, on bâfre Babylone la vaste
L'insensé doit être rassasié
Couches de plastique, mastic et croûte
Un zombie est une tête et un trou dedans
Nous sommes faits de tant de faim
Une vache avec une bouche aux deux extrémités qui mâche l'enfer
Souffle Bubble Slick,
Braille gloire gloire

Moins nous sommes en réseau et plus nous sommes lucides ou est-ce l'inverse ?
Le pire est que nous ne sommes même pas morts de rire. Si seulement nous l'étions

Qui te gâche ton repas ?

Tu te lèves, déjà blessée, suivant un triste cercle comme si tu dansais sur des jambes brisées
Guide la biche et Lakmé le berger, accessoirement sa famille

 Je fume à la fenêtre
J'écrase ma cigarette sur le rebord qui me rappelle ton dos

- Have you any pain ?
- No, but I'm still paying

Pense à injurier l'un d'entre nous s'il se précipite trop rapidement dans l'instant suivant

Nous sommes sur le point de servir le dîner et voici la scène :
un oiseau brise ses petits os contre la vitre
Le moindre d'entre eux : un moineau

Oiseau insensé
Plumes brunes et grises
Parasite crasseux
Une odeur, un mélange de fumée et d'herbe rance, 
de pourriture qui s'installe juste au-dessus de la langue

J'avais précédemment gardé une perruche sur un petit perchoir, derrière mon oreille
Je l'avais attrapé avec deux doigts, recueilli sur son ventre blotti contre un essuie-main
C'était mon oiseau mort
Personne n'est venu prendre ce corps ni ses plumes à ma place
C'était mon verre

Blâme l'oiseau ou les fenêtres impertinentes
Pense à l'inconvénient du sang éclaboussant ta violette : oiseau fou
Putain de mangeoire à oiseaux

J'avais bourré ses plumes contre ma mâchoire comme du tabac à chiquer p
our recracher des fils noirs
Il avait bien fallu une semaine pour que sa chair commence à pourrir, que le sang se fige et colle
Puis, j'étais allée l'enterrer aux étangs en bas de chez moi

Devenir boucher d'oiseau et penser à jeter, à la longue, dans de grands sacs poubelles brillants,
les oiseaux morts qui continueront à défiler sous ton nez
 
Se découvrir une humilité délicate dans l'art de nettoyer le verre de la vitre

Soutenir, plus tard, de minuscules éclats de chair et des plaies ouvertes,
des êtres tachetés qui reviendront toujours gueuler des promesses humides et des souhaits pressants
Des bouts de pattes qui ne chantent pas aussi faux que d'autres

L'espérance, ce mot d'enfance n'existe presque plus
Se souvenir des moineaux dans des éviers en pierre décorés de lierre sauvage
Se rappeler de ces écoliers qui avaient pour la plupart des noms chichis, des noms de livres
de distribution de prix dont on se rappellera avec peine, avec peu de tendresse
  




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