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Drift

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Michaël Borremans I. Le premier cheval Le choléra grouillait, invisible à travers l'eau, tapi dans les puits et les fontaines, se tortillant dans les ordures et les excréments. Des vers infinitésimaux perçant les intestins, jusqu'à ce que toute l'eau et le sel se déversent du corps, jusqu'à ce que le corps devienne un ver se ratatinant et se tordant, jusqu'à ce que la peau brûle comme une flamme. La mort bleue, visage caché dans un bandana, creusait des tombes avec les fossoyeurs qui tombaient un à un dans des trous qu'ils creusaient pour d'autres morts. Des médecins étaient décédés également en voyant les signes dans le miroir, la main tremblante sur le rasoir. II. Le deuxième cheval Le médecin était descendu du bateau, de retour de Paris, l'humidité de la peste scintillant dans sa barbe. Il avait vu sa belle-mère qui l'avait nourri s'enfoncer dans un monticule de terre, son corps vide comme l'enveloppe d'une sauterelle en période de séc

Lakei

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Michael Booremans Quatre races nous adoreront Soleil, feux et témoignages des trois triangles d'or   Héros à l'allure courageuse du loup, monstrueuse bête à la force du sanglier, ce n'est plus un scandale impérieux que de s'éteindre dans un noir stage et séjour De ne plus se sentir vivant qu'à moitié dans toutes les affections du jour Une petite musique progresse auprès des enfants sans âge Si elle n'est qu'une caresse, son auteur est vorace Les guêpes digèrent leurs sorties La plupart des entomologistes ne lisent pas assez Victorien  Des histoires de mutuelle incrimination  Les filles grandissent fort de se toucher Détester celui qui pourrait offrir un brillant univers Si seulement, nos désirs demandaient ce soin La forêt a toujours le souhait qu'on l'invoque Si de loin elle émet une cri, faiblement, partout nous l'entendons Si Darunia est une danse baroque, misons sur les tambours Fantaisie qui, un jour, toucha un cœur de roc, régal des balourd

Pink turns Pink

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Il y en a une au sommet de la tête de chacune des filles De toute évidence, ils jouent à ce jeu depuis un certain temps Il n'y a qu'une fille dont la dinde est encore pleine d'air Cette fille est la fille D Le jeu s'appelle Duck, Duck, Turkey Ils font le mouvement "ça" et faire en sorte que ce "ça" se promène à l'extérieur du cercle des filles assises En tapotant sur la tête de leur dinde tout en disant : canard, canard, canard, canard ! jusqu'à ce qu'ils disent dinde ! En frappant la dinde sur la tête d'une fille p uis en courant autour du cercle, en essayant de s'asseoir dans l'espace libre du cercle avant de se faire toucher La position générale, ici, est basée sur la conviction inébranlable que jouer à ce jeu va conduire à une société meilleure et plus juste pour tous Une fois que la dinde sera dégonflée et bien que la plupart des dindes seront pour la plupart dégonflées, aucune des filles ne pourra s'empêcher de jeter

Oba

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Michaël Booremans Désormais, ils récitent avec un troll accroché, perché sur l'épaule et ce troll leur murmure des insanités à l'oreille Il est une sorte de gremlin affamé et appauvri, moitié mauvaise conscience et moitié tendance Comme les miséreux qu'on voit courbés sur les trottoirs, cherchant d'invisibles miettes de crack dans les fentes du pavé, le troll prend son songe, son rêve, pour la réalité  Air du temps qui traque la faille, la faiblesse, par où il cognera Il croit lutter contre le mal, on en picore les effets Le troll se développe en mode coupable, la blague maladroite, le mot déplacé Dés qu'ils croient identifier un air problématique, ils sortent l'artillerie lourde Tout ce qu'il ne sait pas braver dans la vraie vie, sa faiblesse, sa honte, son extrême droite à "55 %" d'intentions de vote, il peut enfin tenter de l'oublier,  en adoptant une posture de supériorité morale sur un ennemi imaginaire La vanne d'un humoriste, le

Sona

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Gillian Wearing Je serais obsédée par la méchanceté Je sens que j'accroche à ce deux pas par quatre Oh, j'ai écrit le mot en S avec l'envie d'avoir un médium esthétique auquel être la plus perméable J'attends une sursaturation, un élan de force centipède qui pourrait évoquer une importance des choses La conscience de trop de soi ne menant nulle part  J'ai l'impression de me déplacer dans le monde avec ma chemise devant moi,  la remplissant d'images et de cailloux L'apport épique est en désamour un court extrait qui concourt l'épine Découvrir, rongés, ce qui est d'ores et déjà concocté Notes de flûte roucoulantes, jaunes d'œuvres congelés dans le frigo  Dimanche tarte Dans la terre mêlée, au fond de la dépendance d'aboiements amers et arrogants, se balancent des collines Aimer tous les hommes en un seul con Les rêveurs fuiraient les bruits enjoués si tous les hommes étaient de bonne race Un genre de maladresse bruyante et urgente ornée

Untitled

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David Shrigley Des zbeul Des z'poufres Des z'goulamas Des z'pimfles Des z'torr penn Des z'takezen Des z'termaji Des z'ouvertures Des z'énormités Des z'coprolithes Des z'escogriffes Des z'homeopathes Des z'fonds benne Des z'sacs de boue Des z'matières à compost Des z'pelles à brin Des z'fécalomes Des z'fils de mouette Des z'saucisses Des z'sacs à puces Des z'gredin Des z'takezen Des z'fils de yack Des z'valises sans poignée Des z'paltoquets Des z'étonnés Des zerma Des z'ordures Des z'bananes Des z'amoureux éconduits Des zombies Des z'atypiques Des z'fils de colon Des z'cloportes Des z'peigne-zizi Des z'coprophages Des z'ectoplasmes Des z'protozoaires Des z'peigne-culs Des z'éléphants Des z'iguanes Des z'émules Des z'avions Des z'égoïstes Daisy Zérata Des z'laitages Des Zlatan Des z'ouistitis Des z'abscons Des z

Marqueur

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  Patricia Timmermans  Dans un coin du hall, une Polonaise à la tête fine et aux mains longues, assise seule, pleurait.  Elle était une sorte d'anglophile ayant été captivée,  dés sa petite enfance, par les histoires du roi Arthur et de ses chevaliers.  Elle se serait probablement sentie moins sombre si elle n'avait pas eu si froid,  mais, encore une fois, elle était arrivée insuffisamment vêtue. Sans bas de laine, elle avait supposé, naïvement, acheter ce dont elle aurait besoin une fois sur place.  Oh que tu étais maigre cette année terrifiante où je t'avais vue t'effondrer.  Ta peau était vide comme un sac déchiré. Le sel, débordant de tes os, insistait pour louer à nouveau la fidélité de ce corps à reconstruire. Les yeux écarquillés, d'un glamour déconcertant, en rouge à lèvres et talons hauts, tu pouvais, jadis, entrer dans un mess militaire ou dans le bureau d'un politicien et persuader le plus dur et taiseux, le plus récalcitrant des hommes, de dialoguer.