Marqueur

 

Patricia Timmermans 


Dans un coin du hall, une Polonaise à la tête fine et aux mains longues, assise seule, pleurait. 
Elle était une sorte d'anglophile ayant été captivée,
 dés sa petite enfance, par les histoires du roi Arthur et de ses chevaliers. 
Elle se serait probablement sentie moins sombre si elle n'avait pas eu si froid,
 mais, encore une fois, elle était arrivée insuffisamment vêtue.
Sans bas de laine, elle avait supposé, naïvement, acheter ce dont elle aurait besoin une fois sur place. 

Oh que tu étais maigre cette année terrifiante où je t'avais vue t'effondrer. 
Ta peau était vide comme un sac déchiré.
Le sel, débordant de tes os, insistait pour louer à nouveau la fidélité de ce corps à reconstruire.

Les yeux écarquillés, d'un glamour déconcertant, en rouge à lèvres et talons hauts,
tu pouvais, jadis, entrer dans un mess militaire ou dans le bureau d'un politicien
et persuader le plus dur et taiseux, le plus récalcitrant des hommes, de dialoguer.
Tu pouvais visualiser des patrouilles lourdement armées glissant comme des fantômes à travers les bois,
 rampant derrière des lignes ennemies qui coupaient toute communication,
jusqu'à ce que des bataillons entiers soient isolés, les patrouilles qui déjouaient les chars,
 les vélos rivalisant avec les camions, les couteaux défiant les fusils.
Sur quatre mille kilomètres, la route et les forêts jonchées de cadavres d'hommes et de chevaux,
 de cuisines de campagne abandonnées, de cartes raturées. 
Tu pouvais confondre la couleur de peau des guerriers, acajou, avec leurs vêtements tachés de boue,
les cadavres gelés, dans des postures grotesques,
des hommes rauques et rasés de près aussi durs que du bois pétrifié. 
Leurs bottes hautes et leurs longs manteaux épais
 qui offraient un contraste frappant avec l'apparence minable des paysans. 

Pendant que tu te déshabilles maintenant, devant moi,
je peux contempler ta merveilleuse chair gonflée, la superficie de tes cuisses,
les gerbes de tes hanches, tes seins sans limite,
ton ventre marécageux comme une rivière s'épaissit quand la glace se radoucit.

La lampe de ton corps brille.
Chacune de tes assiettes effacent les précédentes.
Bénis le beurre, bénis brie. 
Trempe dans l'huile opulente.
Sanctifie Schmaltz et que la crème épaisse de noix de cajou allume ta fournaise
et chargent tes vaisseaux.
Puisses-tu toujours t'épanouir, énorme et somptueuse, marbrée de gras.

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