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Martin Boisvert


Ginkgo, peuplier, pin oak, sweet gum, tulipier.
Mes émotions sont vivantes et ressemblent à des feuilles.
Je nourris leurs formes.

Avez-vous ressenti l'étendue et les contours le long d'un grand érable de Norvège ?
Avez-vous grimacé devant la fusée orange ?
Brûler les courbes d'un cornouiller de curling ?

J'ai vu des îles aériennes.
 Chacune avec un réseau de routes de graviers ramifiés.
Je connais le plaisir dans les veines d'un pommier à sucre.

J'ai parcouru les bords de feuilles qui n'ont pas de nom, là où la lumière est fraîche,
là où l'air est humide.

Je me souviens encore de l'herbe à la fièvre de miel
pour arrêter les abeilles folles dans l'enclos des lapins.
J'essaie souvent de penser à quel doux mois
les langoureuses dames peintes avaient l'habitude de tacher la route jaune
d'un adieu dévalant la principale.

Quelles semaines, quels mois, à quelle heure de l'année,
j'avais triché à l'école pour avoir une aventure au sommet. 
J'ai tant oublié en dix ans.

J'ai oublié à quelle heure les pommes violettes viennent au jus et quel mois amène les timides myosotis.
À quelle époque de l'année les colombes du sol brunissent les champs
et remplissent le midi de leurs curieuses cannelures.

Les cartilages dans la main de mon fils me disent que leurs rêves de radium ont cessés de grandir.
Sur l'autoroute, ils nous avaient averti de ne pas trop boire d'uranium lessivé des mines abandonnées.

J'ai vu des grues se déplacer dans un champ ouvert.
Des traînards moins nombreux que prévu mais assez pour faire briller l'air d'étrangeté.

Les grues, ces oiseaux aux cris étranges, se tordent le cou pour poignarder la rapide lumière du poisson.
Une seule était blanche dans le troupeau.

J'ai vécu un moment de pure colère. J'avais tremblé d'or.
Le poinsettia est rouge, rouge sang dans mai chaud.
Je vis au bord d'une nouvelle page. 
Une étoile mineure, une rafale dans le coin le plus éloigné du ciel.