Bartoir

Chaïm Soutine

Les premiers jours d'un fantôme sont difficiles
Il y a tellement de hantises différentes,
Tellement de façons de faire
Je ne suis pas certaine que nous soyons autre chose qu'un sac de peaux d'impulsions électriques,
de changements tantôt imprévisibles tantôt attendus 
Je me prépare à mes 48 heures de lobotomisation annuelle
Je suis trépanée
Être de gauche,
'Tain,
C'est fatiguant
 
Je décide donc de me contenter de la beauté e
ngendrée par d'autres et c'est déjà pas si mal
Je confirme qu'il existe encore sur cette planète des gens biens, vachement bien,
pour qui c'est une évidence
Cela me reprend tout de même, de temps à autre, comme une colique : 
cherche bœuf anabolisé à manger cru avant le roc d'Azur pour la bonne excuse

Je hais les autres comme je n'apprécie pas de bons coins de France est une façon de mourir un triste dimanche
Dire de tous ces cons de "gauchiss assistés" qu'ils ne sont que des p
rofiteurs moroses et sinistres
 s
e vautrant dans la caricature est grotesque

S'accoler deux vocables :
Identité et nation
Mon nom est légion, clament-ils

Le Français de souche si attaché à ses racines sait-il qu'il pousse à l'envers ?
Que ses cheveux poussent à l'envers ?
à force de draguer, et bien forcément, ramasse tout ce qui est dans le fond de la cuvette,
et tu n'as pas envie qu'on te confonde avec une vulgaire crevette

Je ne suis pas tout à fait certaine qu'on puisse nommer cela déchéance,
de nos jours, le fait de ne plus être naturalisé français
Mettre la bague à l'annulaire
Les livres à l'index 
Et les enfants au majeur
Les pauvres, eux, sont laids
Toujours de mauvaise humeur
Sentent mauvais
Et font des fotes d'ortografe 
Ils sont toujours fauchés
Nous n'en voulons pas
Dégradez-vous

Certaines locutions semblent n'avoir d'autre utilité que de nous aider à refermer sans scrupule
un livre avant sa fin 
La beauté que peuvent gagner certaines phrases dés qu'on leur lâche un peu la bride

Emporter la Ravine entière avec soi et cela tombe bien car tout y est

Le minoritaire, c'est le devenir comme disait l'autre
Les ouvriers tarés physiquement et mentalement forment une main-d'œuvre stable
 qui se résigne

Notons leurs guillemets fort peu journalistiques entourant discriminations et préjugés
Notons aussi les commentaires en réaction qui sont très, disons, 17,9 %

Louange aux grandes fenêtres où les immigrés en cuisine s'envolent
ou pourraient glisser par l'entrebâillement d'une gouttière et presque voir du monde

Entendre le chant d'une nation :
un immigré critique l'immigration
Speechless

Si on parle de celui qui occupe passionnément nos "ébats" et nos débats,
il est plutôt en cours de bons traitements, aux petits soins même
Quant aux idées majoritaires, elles ont moins de couleur que d'odeur et ça ne sent pas le vargeux

Il est rassurant et apaisant de constater que notre présent s'ancre encore et toujours
aux crocs d'un boucher passéiste

Les camps de concentration du futur comporteront des espaces détente grâce aux forces de l'ordre
 et aux influenceurs

Les queues étant plus petites, p
uis-je demander un aspirateur ? 

Relire Arno Schmidt ou Hans Henny Jjann  et se dire "à quoi bon" 
Demain on partira niquer Heidi

L'Européen blanc se sent dévirilisé
La pensée n'équivaut pas l'expérience
Se lever la nuit pour verrouiller sa porte
Crise cardiaque en attente

Mon optimisme est tempéré par le mot dégueulasse
Ces fruits de la peur qui balisent la nuit à la cime des lampadaires 
Je me réjouis de constater que la liste des cons et leurs séducteurs s'agrandit de jour en jour


Un couvercle tombe un peu plus bas que l'autre avec l'effet d'un regard tordu
La destinée humaine est un chamallow 
Cette petite musique qui élève le cœur

Des yeux apparaissent et volent le sommeil
Les orbites sont enfoncés et les paupières épaisses bordées de rouge
 pendent au-dessus comme des stores dont les cordes sont brisées

Entre ces replis de chair, avec leur peu de poils, de cils, les yeux eux-mêmes,
de petits disques vitreux avec un bord d'agate, ressemblent à des galets de mer
dans la poigne d'une étoile de mer

D'une certaine manière, cela me rappelle la puberté, du sang inattendu

Je ne sais pas si un conseil aurait pu me préparer au passage d'enfant à adulte
Ce n'est pas grave si je ne suis toujours pas certaine de ce à quoi je veux ma mort ressemble
J'avais trouvé ma propre voie à travers le triste chemin de l'adolescence et
peut-être dois-je encore trouver mon chemin dans l'obscurité

Je m'étais retrouvée à feuilleter le dos des magazines
q
ue les mères de mes camarades de classe achetaient quand ils voulaient bien me le prêter
Le papier était toujours froissé par les mains des filles qui avaient précédé
et, à la fin, il y avait souvent un quizz ou un arbre de décision pour vous dire
quel genre de personne vous étiez ou vous deviendriez

Parfois, il y avait une tache de rousseur, marque de stylo bic,
 o
u une initiale pour marquer le chemin du lecteur précédent

Je ne sais pas si je suis devenue la femme que ces organigrammes de magazines avaient prédit
Je ne me souviens plus d'ailleurs si j'avais choisi principalement O ou N
Peut-être avais-je besoin de voir le défilé de filles aux cheveux aplatis et aux paupières brillantes
pour commencer à sentir leurs effluves

Je n'ai aucune photo ectoplasmique à vous présenter,
 aucune photo d'enfance ou d'adolescence
Aucune photo de classe

- Et bien dit-il, c'était une créature idiote
Et si j'étais vous, je n'y penserais plus

- Non, répondit-elle, en se redressant,
Je ne ferais pas ça
J'y penserai toute la journée et 

 


 

Posts les plus consultés de ce blog

Non Troppo

Cupidon endormi

Cuboïde

Membrane tendue

1 et 0

Relique érodée

Moi touche-moi touche-moi seulement

Brise menu

TKT

Zostère