Delta



Mauritz Cornelis Escher - Ciel eau - 1938 


Quand entre pantalon de gamin et chemise de jeune adulte tu étais devenu habile,
je te répétais qu'en allongeant ton échine, ton torse, tu montrerais mieux tes fesses.

Tu palpes tes clefs comme tu palpes ton membre.
Du sang et du sperme versés sur le fer du manche de ta serrure.

Dans ta nature contemplative, dans ton brouillon intuitif, insupportable,
le regard enjolive toute chose qui l'entoure.

Tu avais demandé à tes jeunes confrères, en mal de brises fines, un soir que tu étais presque nu :
Suis-je conforme aux traits, aux défauts, aux qualités que l'on me prête ?
Ils t'avaient souri :
Après-demain.

L'idée de l'aristocratie ou du plouc, motivée par la condescendance avare ou généreuse.
Ne seraient-ils que des hâbleurs ?
Des enflures ?
Est-ce la même chose ?

Tu n'avais pas oublié ce Rog house rouge tranquille avec la fenêtre toujours fissurée et ouverte,
même en hiver.
Souffrir à l'aveugle de paroles inaudibles dans les querelles laborieuses et pénibles.

Quel besoin avais-tu de savoir cela ?
Quelle sorte d'approbation attendais-tu?

Pour les francs buveurs, au ciel assombri, c
'est toi qui te querelles avec toi-même.
Quand apprendras-tu à faire ce que tes mains écrivent, ce que tes yeux adorent,
ce que ta bouche dit ?

Ta première ébauche était une belle intuition.
Ta seconde de l'intellect épuisé à l'ombre de ton poirier.

Tu passes quelques minutes dans la perplexité, sous des gifles douloureuses, que t'infligent ton ancolie.

 Quand ta mère avait perdu ses cheveux, tu avais égaré ses mots.
Pas que les siens mais également ceux des autres.
Des mèches de cheveux bruns et argentés qui s''étaient enroulées dans ta gorge, nouées en toi
 comme du fil de fer, des barbelés. 
Tu ne rêves plus que de grillages depuis.

Tu as fait des choses ridicules et comiques pour préserver ton indépendance
ou ce que tu appelles ton indépendance.
Chaque matin, tu te réveilles en sachant qu'il ne te manquera jamais des choses à faire.
Tu comprends que le mal terrible qui intoxique toute l'humanité ne réside que dans nos propres boîtes.
Tu as remarqué que l'humanité n'avait pas de profond ni de sincère besoin d'attention.
Cet exhibitionnisme, ce besoin de vanité permanent, cet embarras de richesse futile
qui se détourne constamment d'une conversation
surtout lorsqu'on s'engage à parler de tout ce qui est personnel.

Pense à brosser le trottoir de ta rue, frapper aux portes des extralucides,
toucher les feux des automobiles entre deux porches.
Ne pense plus matière organique mais manière comme la lampe d'un reclus en son refuge.
Ton ami qui marche et son chien qui mène la meute est petit.
Il exprime avec son corps des choses que nous, nous, ne pouvons pas.

Si tu vis encore demain, tu devrais poursuivre, acceptant par instinct,
pressentant par devoir, t'affranchissant par un mâle vouloir.
Ton corps formé, cet hôte errant, cette substance éthérée qui te fera demeurer un instant dans la durée.
Molécule qui sent l'atome,
Conçoit,
 Agit, 
Plains-toi,
Tombe décoloré.
La nature y verra la continuité des dons et des écarts.
Balancer des mondes, percer des abîmes, dompter des éléphants, en rêve.
Un mix de raison, de tendresse et d'orgueil.

Renomme les origines, le but qu'elles veulent atteindre et la loi qu'elles aimeraient suivre.
Un héroïsme de genre, allié à la faiblesse.
N'aie crainte du sifflement des balles, du refoulé sur le goudron.
Rejoins ta tourbe.
Tu seras sain et sauf.
Ne dissimule pas pour demain ni la semaine prochaine ta subsistance quotidienne.

Tu as du mal à suivre un idéal en un front, en un geste.
Etre le remède et le charme des maux d'autrui pourrait s'avérer utile. 
Fais avec un autre que toi l'amour dont tu rêves, l'obédience que tu imagines.
Cent ans te suffiraient à peine à parcourir les extrêmes plages que seule la vocation atteint.

Pense à faire référence à une ligne, n'importe laquelle.
Aménage ton université de vagues, si c'est une vaste existence, ou une seule et même vague.

De l'Atlas, le lion suit à la trace les gorges brûlantes et le scalp des crânes rasés. 
Le silence moqueur est un festin clos, une journée de joie acquise après des mois,
des années de douleurs.











 

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