Top of The Pop

Arthur Cravan - 1887/ ?

Classe mec ... 

Extrait : 

Quelle âme se disputera mon corps ?
J'entends la musique.
Serai-je entrainé ?
J'aime tellement la danse et les folies physiques que je sens avec évidence
que, si j'avais été jeune fille, j'eusse mal tourné.
Mais, depuis que me voilà plongé dans la lecture de cet illustré, je jurerai n'avoir vu de ma vie
d'aussi féériques photographies, l'océan paresseux berçant les cheminées.

Je vois dans le port, sur le pont des vapeurs, parmi des marchandises indéterminées,
les matelots se mêler aux chauffeurs, des corps polis comme des machines,
mille objets de la Chine, les modes et les inventions.

Puis, prêts à traverser la ville, dans la douceur des automobiles, les poètes et les boxeurs.

Ce soir, quelle est ma méprise, qu'avec tant de tristesse, tout me semble beau.

L'argent qui est réel, la paix, les vastes entreprises.
Les autobus et les tombeaux, les champs, les ports, les maîtresses.
Jusqu'à la vie inimitable des hôtels. 

Je voudrais être à Vienne et à Calcutta.
Prendre tous les trains et tous les navires.
Forniquer toutes les femmes et bâfrer tous les plats.
Mondain, chimiste, putain, ivrogne, musicien, ouvrier, peintre, acrobate, acteur,
vieillard, enfant, escroc, voyou, ange et noceur.
Millionaire, bourgeois, cactus, girafe ou corbeau,
lâche, héros, nègre, singe,
Don Juan, souteneur, Lord,
paysan, chasseur, industriel, faune et flore.
Je suis toutes les choses,
tous les hommes et tous les animaux ! 

Que faire ?
Essayons du grand air.
Peut-être y pourrais-je quitter ma funeste pluralité ! 
Et tandis que la lune, par delà les marronniers, attelle ses lévriers,
et qu'ainsi en kaléidoscope, mes abstractions élaborent les variations,
des accords de mon corps, que mes doigts collés,
au délice de mes clés absorbent de fraiches syncopes,
sous des motions immortelles vibrent mes bretelles,
et piéton idéal.
du Palais Royal,
je m'énivre avec candeur même des mauvaises odeurs, plein d'un mélange d'éléphant et d'ange.

Mon lecteur :
Je ballade sous la lune ta future infortune,
armée de tant d'algèbre,
que,
sans désirs sensuels,
j'entrevois,
fumoir du baiser,
con, pipe, eau,
Afrique et repos funèbre, derrière les stores apaisés, le calme des bordels.

Du baume, O ma raison ! 
Tout Paris est atroce et je hais ma maison.
Déjà les cafés sont noirs.
Il ne reste, O mes hystéries ! que les claires écuries des urinoirs.
Je ne puis plus rester dehors.
 
Voici ton lit, sois bête et dors. 
Mes derniers des locataires qui se grattent tristement les pieds.
Et bien que tombant à moitié,
si j'entendais sur la terre retentir des locomotives, que mes âmes pourtant redeviendraient attentives ! 



















Posts les plus consultés de ce blog

Non Troppo

Cupidon endormi

Cuboïde

Membrane tendue

1 et 0

Relique érodée

Moi touche-moi touche-moi seulement

Brise menu

TKT

Zostère