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Exotica

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Jessica Harrison.

Une chèvre dans le repère d'un lion

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Bri Gawkoski - Collages Comme le scorpion, mon frère, comme le scorpion. Tu es comme le scorpion dans une nuit d'épouvante. Comme le moineau, mon frère, Dans ses menues inquiétudes. Comme la moule, mon frère, Tu es terrifiant, mon frère, Enfermé et tranquille. Tu es terrifiant, mon frère, Comme la bouche d'un volcan éteint.  Et tu n'es pas un hélas, tu n'es pas cinq, Tu es des millions.  Tu es comme le mouton mon frère, Quand le bourreau, habillé de ta peau, Quand l'équarisseur lève le bâton, Tu te hâtes de rentrer dans le troupeau. Et tu vas à l'abattoir, En courant presque fier. Tu es la plus drôle des créatures en somme. Plus drôle que le poisson qui vit dans l'amer,  Sans savoir l'amer. Et s'il y a tant de misère sur terre, C'est grâce à toi mon frère.  Si nous sommes affamés, épuisés,  Si nous sommes écorchés jusqu'au sang, Pressés comme la grappe pour donner notre vin. Irais-je jusqu'à dire que c'est de ta faute ?  Non.  Mais tu

Bailey

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Michael Borremans. Ballon 2.  La lune,  Petite pelote de ficelle dans le zodiaque, Comme un ressort agréable,  Donnant l'impression d'être délivrée De cette peine rendue publique et urgente, Est plaquée contre un mur de la cour de la clinique Où sont alignés inégalement quelques chariots. Dans le blanc champs clos De sa dernière résidence connue, Les pas nombreux,  Les murmures s'entrecroisent, Se rapprochant des grilles blafardes de son lit. Clinique, hôpital,  Hôpital, clinique. Souriante pension cynique. Une suite logique :  Issue de sa mémoire, Qui dure à être vive, Avait été dressée devant elle Parmi les nombreuses tours aux mille fenêtres Et jardins verdoyants. Semblant d'hotel de vacances  Accueillant les cafés des machines électriques Au goût de larmes amères et nauséeuses. Tandis qu'elle se cramponne péniblement Aux lumières de son âme, Résistant à une énième glauque bouffée délirante  Dans ses draperies, Les sorties de route n'ont jamais si bien porté

Ne perdons pas le Nord

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Qui a fait ça ?  Faire la gueule au ras des fleuves et rivières Au milieu du tas d'os muets, Des serpents domptés, Des espoirs furtifs, Des rêves échoués rampent. La lourdeur se calcule en étages, En longueur d'escaliers. Course.  Sauter un peu plus haut,  Retomber sur ses mains pleines de henné. De haine ?  Qui pousse tordu A du poil au cul Et des bras tendus comme une symétrie neuve. Regarder les feuilles tomber des oliviers, La posture immobile avec un chapeau de coyote imprimé sauvache Ou sous une chemise blanche sans col d'une autre teinte,  un peu cassée, Qui voit de près s'approcher la menace.  Donne-moi ton bruit, Donne-moi ton angoisse, Donne-moi tes larmes, Donne-moi tes sueurs Le long des couloirs en cuir doré. De l'indice, Du renseignement,  Tu es la faute, Rends toi dans la forêt, Coup de chapeau dans ta tête. Arrache un cri, Pour dormir ou ne pas dormir,  Jour et nuit. Ta souffrance est à la base de ton exil. Herbe séchée, sang brûlé. Il existe des bêt

Le Lumineux

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Johan Van Mullem. Rappelez-vous l'objet que nous vîmes mon âme, ce beau matin d'été si doux. Au détour d'un sentier,, une charogne infâme, sur un lit de cailloux. Les jambes en l'air, comme une femme lubrique, Brûlante et suant les poisons, Ouvrait d'une façon nonchalante et cynique Son ventre plein d'exhalaisons. Le soleil rayonnait sur cette pourriture, Comme afin de la cuire à point, Et de rendre au centuple à la grandeur nature, Tout ce qu'ensemble elle avait joint. Et le ciel regardait la carcasse superbe Comme une fleur s'épanouir. La puanteur était si forte, que sur l'herbe, Vous crûtes vous évanouir. Les mouches bourdonnait sur ce ventre putride, D'où sortaient de noirs bataillons de larves Qui coulaient comme un épais liquide Le long de ces vivants haillons. Tour cela descendait, montait comme une vague Où s'élançait en pétillant, On eût dit que le corps, enflé d'un souffle vague, Vivait en se multipliant. Et ce monde rendait une

La vagabonde

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  Sandrine Bonnaire. 1985.  La vagabonde. Pitoyable sœur ! Que d'atroces veillées je lui dus ! Je ne me saisissais pas fervemment de cette entreprise. Je m'étais joué de son infirmité. Par ma faute nous retournerons en exil, en esclavage. Elle me supposait un guignon et une innocence très bizarres, et elle ajoutait des raisons inquiétantes. Je répondais en ricanant à cette satanique sœur, et finissais par gagner la fenêtre. Je créais, par delà la campagne traversée de musique rare, les fantômes du futur luxe nocturne. Après cette distraction vaguement hygiénique, je m'étendais sur une paillasse. Et, presque chaque nuit, aussitôt endormie, la pauvre sœur se levait, la bouche pourrie, les yeux arrachés, telle qu'elle se rêvait et me tirait dans la salle en hurlant son songe de chagrin idiot. J'avais, en effet, en toute sincérité d'esprit, pris l'engagement de la rendre à son état primitif de fille du soleil et nous errions, nourris de vin des cavernes et du bi

o O

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Martin Boisvert.  J'aime à changer de cieux, de climat, de lumière. Oiseau d'une saison, je fuis avec l'été, Et mon vol inconstant va du rivage austère Au rivage enchanté. Mais qu'à jamais le vent bien loin du bord m'emporte Où j'ai dans d'autres temps suivi des pas chéris Et qu'aujourd'hui déjà ma félicité morte Jonche des débris. Combien ce lieu m'a plu ! non pas que j'eusse encore Vu le ciel y briller sous un soleil pâli, L'amour qui dans mon âme enfin venait d'éclore L'avait seul embelli. Hélas, avec l'amour ont disparu ses charmes Et sous ces grands sapins, au bord des lacs brumeux, Je verrais se lever comme un fantôme en larmes L'ombre des jours heureux. Oui, pour moi, tout est plein sur cette froide plage De la présence chère et du regard aimé, Plein de la voix connue et de la douce image Dont j'eus le cœur charmé. Comment pourrais-je encore, désolée et pieuse, Par les mêmes sentiers, traîner ce cœur meurtri, Se